Présentation par R. LAMI
Sans nous étendre sur le caractère évidemment impropre, mais hélas consacré, de cette expression, il nous faut rappeler les trois phases que l'on est convenu de suivre pour parvenir un jour à l'exploitation en ligne des opérations aériennes sans visibilité (selon les définitions de l'annexe 10 de l'O.A.C.I.).
Phase 1
Il s'agit seulement de revenir aux anciens minima de 200' de plafond et 800
m de visibilité, directement accessibles à tous les avions et à la très grosse
majorité des pilotes avec l'appareillage existant.
Rappelons pour mémoire que la raison principale ayant fait; relever les minima
des " jets " de l'ancienne valeur à celle qui nous est imposée actuellement
(300' et 1.200 m) était le long temps de réponse aux réacteurs à une remise
de gaz.
Cette difficulté est surmontée depuis longtemps, mais le gouvernement; français
maintient artificiellement les minima les plus pénalisants comme moyen de pression
pour imposer l'achat d'appareils d'atterrissage automatique. Il est d'ailleurs
remarquable que nous soyons pratiquement; les seuls au monde à ces minima, alors
qu'en France même notre gouvernement autorise les compagnies étrangères concurrentes
à des minima plus bas, bien qu'elles utilisent les mêmes avions, dotés des mêmes
instruments, sur les mêmes aérodromes !
Phase 2
Cette fois les minima en exploitation régulière seront ramenés à 100' de plafond
et 400 m de visibilité.
Disons tout de suite que cette phase est directement accessible à, un pilote
bien entraîné sur un avion doté de bonnes qualités de vol, équipé des instruments
de bord actuellement en service, à condition que l'aéroport soit équipé d'un
ILS de la catégorie II. Ces minima sont d'ailleurs déjà pratiqués à l'étranger
par plusieurs Compagnies exploitant des réacteurs.
Phase 3
Selon la définition de l'O.A.C.I., il s'agit ici " d'Opérations jusqu'à la surface
de la piste et tout au long de celle-ci, sans restriction due aux conditions
de base de nuage et de visibilité, avec une haute probabilité d'approches réussies
". Mais la difficulté d'y parvenir directement et sans réduction sensible du
niveau de sécurité admissible, a nécessité des amendements pour définir trois
étapes de réalisation, où la notion de plafond a disparu pour ne laisser subsister
que des valeurs de visibilité (R.V.R. = Runway Visual Range) :
Phase 3 A
Opérations jusqu'à une visibilité minimum de 210 m (ou 700').
Phase 3 B
Opérations jusqu'à la surface et tout au long de la piste avec une R.V.R. permettant
seulement le guidage visuel pour rouler au sol (la valeur choisie serait 45
m ou 150').
Phase 3 C
Opérations sans références visuelles extérieures. Cette phase ultime suppose
réalisées un certain nombre de conditions dont certaines ressortent du domaine
du rêve.
En effet, les véhicules de service doivent également pouvoir se déplacer sur
le sol par visibilité nulle. Des systèmes de navigation pour véhicules de surface
sont déjà proposés par différents constructeur, et semblent avoir des performances
satisfaisantes. Mais s'il est possible d'imaginer un déplacement de tels engins
sur des voies réputées libres dans le périmètre de l'aéroport, ceci devient
beaucoup plus problématique s'il s'agit de faire emprunter des voies publiques
aux véhicules de sécurité dans un cas de crash en dehors de ce périmètre. Enfin,
il faudrait que les moyens de transport de surface (entre la ville et l'aéroport)
ne soient pas eux aussi paralysés par le mauvais temps.
Aussi ne semble-t-il pas très raisonnable d'espérer que la phase 3 C puisse
être considérée un jour comme une phase d'opérations normales, mais plutôt comme
une possibilité exceptionnelle de faire atterrir un avion, lui faire dégager
la piste et le diriger jusque en un point où ses passagers puissent être débarqués
et conduits à l'aérogare.
Le prix à payer pour passer de la phase B à la phase C semble hors de proportion
avec le gain infime de régularité qui pourrait en résulter. Il est bon de rappeler
ici, car on feint trop souvent de l'oublier, que cette phase 3 B est pratiquement
atteinte en opérations régulières par notre " Postale de Nuit " qui utilise
des moyens tout-à-fait rudimentaires, comparés à ceux que l'on nous propose
pour atteindre des buts beaucoup plus modestes par des procédés purement automatiques.
L'INFRASTRUCTURE
Bien entendu, ces étapes successives exigent une infrastructure de plus en plus perfectionnée, voire la mise au point de moyens nouveaux.
A - Balisage visuel.
Tant que l'on conserve, à un moment quelconque, une référence visuelle, il est
nécessaire de mettre en œuvre un balisage adéquat. Malheureusement, les avis
divergent quand il s'agit de le définir et il est très difficile d'obtenir l'indispensable
standardisation sur le plan international.
Quand on voit, par exemple, le chauvinisme le plus étriqué s'opposer à un accord
sur des règles de niveaux de vol au-dessus des différents espaces aériens nationaux,
on ne peut qu'être pessimiste sur la définition des aides visuelles puisque,
cette fois, des questions d'intérêts économiques viennent s'ajouter aux rivalités
nationales. La disparité des systèmes de balisage risque fort de les confiner
dans un rôle de confirmation de la bonne exécution d'une approche, plutôt que
dans celui d'aide proprement dite au guidage visuel, sauf peut-être pour des
pilotes bien habitués aux particularités d'un système déterminé.
Il semble pourtant se dessiner un accord unanime pour reconnaître l'utilité
d'un balisage de l'axe sur la piste elle-même et pour un repérage sans ambiguïté
des sorties de piste. Remarquons enfin que la nécessité de se maintenir exactement
sur un plan de descente coupant la surface de la piste souvent assez loin de
son seuil (tendance à généraliser les seuils " décalés "), contribue à, réduire
l'importance de l'aide de la ligne d'approche dont le halo seul reste parfois
visible au cours d'atterrissages conduits jusqu'aux minima.
Les efforts pour obtenir une ligne d'approche correcte et standardisée ne doivent
cependant pas être relâchés car les atterrissages aux minima sont l'exception
et, dans le cas général, ou pour les avions non équipés " tous temps ", le balisage
lumineux reprend toute son importance.
B - Balisage radioélectrique
Les efforts ont jusqu'à présent porté surtout sur l'amélioration de l'I.L.S.,
car les autres moyens de guidage classiques se sont révélés ou trop lents ou
imprécis. L'ILS a le mérite de fournir au pilote une indication continue de
sa position dans les plans horizontal et vertical et a en outre le mérite supplémentaire,
mais combien important, d'être une aide mondialement installée sur la plupart
des aérodromes de quelque importance.
Mais, si l'I.L.S. était en général suffisant pour les opérations de la phase
1, on s'est rapidement aperçu qu'il fallait accroître sérieusement ses performances
pour aller au-delà.
On a classé les ILS en trois catégories correspondant aux tolérances admissibles
pour les trois phases d'opérations. Les essais d'atterrissage automatique ont
eu pour conséquence bénéfique de convaincre de l'insuffisance des ILS standards
et de faire activer les efforts pour les améliorer.
Rappelons qu'à l'origine le B.L.E.U. (Blind Landing Experimental Unit) en Grande-Bretagne,
avait préconisé d'employer des " leader-cables " pour obtenir un guidage plus
précis en azimut, et d'abandonner le glide, devenu hypersensible à basse altitude
(l'avion se rapprochant de l'émetteur), au profit d'une phase de maintien d'une
assiette constante à, partir d'une certaine altitude, phase suivie de celle
d'exécution de l'arrondi à partir des données d'un radioaltimètre de précision.
La mise au point des ILS dits " à faisceau étroit " fit bientôt abandonner les
leader-cables dont, par ailleurs, l'installation eût posé des problèmes insolubles
sur maints aérodromes. Par contre, la technique de guidage en profondeur a été
conservée avec quelques variantes. Les nouveaux ILS étaient, à l'origine, affligés
de faux axes; mais ils ont été rapidement guéris de cette maladie de jeunesse,
et ils ont permis des milliers d'atterrissages sans visibilité, tant manuels
que complètement automatiques, avec une précision remarquable.
Ils ne sont pourtant pas sans reproche: En particulier, ils ne sont pas à l'abri
de pannes ou de déréglages. Or, la sécurité de la quasi-totalité des systèmes
proposés repose essentiellement sur le bon fonctionnement du seul ILS. Sans
doute, a-t-on prévu qu'un émetteur de secours peut prendre le relais d'un émetteur
défaillant en une fraction de seconde, mais l'expérience de la ligne montre
des défaillances d'une durée excédant nettement cette fraction de seconde, et
tout dans l'installation ne peut être doublé. Sans entrer dans le détail des
possibilités techniques, il est certain que la sécurité de fonctionnement de
l'installation au sol n'atteint pas le niveau auquel prétendent les constructeurs
des appareillages de bord. Un reproche peut être adressé aux ILS : c'est le
manque de stabilité dans le temps de leurs performances. On connaît en effet
bien des exemples d'I.L.S. qui ont été classés en catégorie 1 à un moment donné,
mais qui n'avaient qu'à peine les performances de la catégorie 2 quelque temps
plus tard. Il semble que le problème de la surveillance des ILS soit très difficile
à résoudre, car cette surveillance devrait être quasi-permanente et les mesures
correspondantes ne semblent pouvoir être faites qu'en vol. L'érection d'une
masse métallique, même loin des émetteurs, peut faire dévier les faisceaux,
et d'une façon générale, tout déplacement d'une masse métallique quelconque
: train qui manœuvre, bateau qui se déplace (cas des aérodromes près d'un port),
ou même voiture ou camion s'approchant d'un émetteur.
Les battements de l'aiguille du localiser d'un avion en approche lorsqu'un autre
au décollage survole les antennes de l'émetteur sont la conséquence de ce phénomène
bien connu. Les variations de conductibilité du sol, à la suite d'une grosse
averse par exemple, peuvent également produire des déviations difficilement
prévisibles. Tout ceci impose que l'on se préoccupe plus sérieusement qu'on
ne semble l'avoir fait jusqu'ici, de la possibilité de doubler l'I.L.S. par
un autre moyen de guidage, distinct de celui-ci dans son principe.
Le Flarescan (ou ses dérivés) apportera peut-être une réponse à ce problème,
car il devrait être insensible aux perturbations parasites citées plus haut.
Cependant, il est difficile de prévoir l'époque où un tel système sera implanté
et généralisé comme l'est actuellement l'I.L.S.. En outre, il est indispensable
que les deux systèmes coexistent à la fois au sol et à bord de façon à permettre
le contrôle manuel des deux informations de guidage par l'équipage. Un autre
moyen, qui semble particulièrement bien adapté à la nouvelle génération d'instruments
de bord à lecture " tête haute " est le système " Microvision " de Bendix. Ce
moyen original est basé sur un principe et des appareils de bord entièrement
distincts de ceux de l'I.L.S. et n'utilise qu'une installation au sol passive
du point de vue guidage et assez rudimentaire.
L'APPAREILLAGE DE BORD
Deux méthodes se dégagent pour résoudre le problème
La première méthode est évidemment la plus ancienne et reste pratiquement la
seule mondialement utilisée en ligne. Elle permet les remarquables résultats
de la Postale de Nuit, malgré l'utilisation d'instruments de bord classiques,
vieux de plus de vingt ans dans leur principe, et dont la précision est notoirement
insuffisante. Disons tout de suite que les quadriréacteurs les plus modernes
utilisés en ligne ne sont guère plus favorisés que les avions de la Postale
en ce qui concerne la précision de leurs instruments de pilotage et de guidage.
Aux tolérances des instruments et de l'utilisation qui peut en être faite par
la moyenne des pilotes sur un type d'avion donné, correspondent des minima qui
sont les limites de visibilité à l'intérieur desquelles on estime que le Pilote
peut encore, grâce aux qualités des repères visuels, effectuer une manœuvre
corrective permettant de terminer l'atterrissage dans de bonnes conditions.
La seconde méthode séduit généralement les non-pilotes, car elle utilise un
automatisme réputé infatigable, donc capable de répéter indéfiniment la même
manœuvre avec un même niveau de performances, et de s'affranchir enfin de ce
fameux " facteur humain " dont la mesure est insaisissable (mais qui est pourtant
si pratique pour endosser toutes les responsabilités). Les pilotes savent par
expérience que cette réputation des automatismes n'est malheureusement pas toujours
justifiée, et surtout ils estiment qu'il faut d'abord répondre à la question
essentielle de savoir s'il est encore possible à l'homme de rester réellement
responsable de l'avion dont il a la charge pendant l'exécution de la manœuvre
d'atterrissage par l'automate.
Sur cette question de la plus haute importance les avis divergent notablement,
mais peuvent être, grosso modo, classée en trois :
L'ATTERRISSAGE TOUS TEMPS
Examinant les avis ci-dessus, nous dirons que le premier a au moins le mérite
de la franchise, mais que les constructeurs sont bien présomptueux de prétendre
que leurs appareils, même triplés, seront infaillibles et aussi de croire que
des pilotes de ligne, dignes de ce nom, accepteront d'être réduits à l'impuissance
au cours de la phase la plus cruciale du vol.
Le second avis exprime une opinion plus subtile, mais il ne suffit pas de déclarer
aux pilotes qu'ils restent " in the loop " pour qu'ils considèrent qu'ils y
sont effectivement. En effet, si telle combination d'allumage de lampes d'alarme
conduit le pilote à débrayer son pilote automatique, il ne faut pas oublier
ce qu'il lui reste pour contrôler son vol s'il ne dispose toujours que de la
planche de bord classique et que l'incident survienne au-dessous des " minima
de la planche " son intervention risque en effet d'être dangereuse (comme l'indique
le premier avis) car il ne sera averti que trop tard par un écart qui ne peut
être détecté que lorsqu'il a atteint une valeur importante. En outre, les limitations
des conséquences des pannes (revendiquées par les systèmes " fail soft ") sont
souvent données par des systèmes automatiques complexes qui ne sont guère plus
infaillibles que le pilote automatique contrôlé. C'est pourquoi, la majorité
des pilotes de ligne est d'avis qu'il faut d'abord améliorer les moyens de contrôle
mis à leur disposition avant de songer à abaisser les minima très au-dessous
de ce que permettent les planches actuelles. On peut admettre que la décontraction
apportée par l'aide d'un bon pilote automatique permet une meilleure surveillance
mais comme cela n'améliore en rien les retards ou les imprécisions des instruments
de contrôle des données de base, le problème redevient entier s'il faut débrayer
et reprendre le pilotage manuel.
La solution à l'amélioration des instruments de pilotage existe avec la nouvelle génération d'appareils à lecture " tête haute " ou à collimation. Ceux-ci offrent la possibilité de repères vus à l'infini et fixés par rapport au monde extérieur, les informations de guidage pouvant elles-mêmes se présenter sous une forme beaucoup mieux adaptée aux sens et aux réflexes humains.
LES RESULTATS
Sans nous étendre sur des chiffres qui seront donnés dans ce même numéro de
" PILOTE DE LIGNE " par des auteurs plus qualifiés, nous disons que des possibilités
de faire atterrir un avion automatiquement ou manuellement existent. Des milliers
d'atterrissages automatiques expérimentaux ont été effectués en essais et même
on envisage l'utilisation en ligne de ce genre d'atterrissage bien que la notion
de minima soit conservée pour permettre au pilote humain une manœuvre de dernière
chance en cas de défaillance du système.
Les essais actuels des constructeurs sont surtout axés vers la mise au point
des sécurités dans les différents cas de panne qui peuvent se produire, et aussi
à améliorer les performances dans les conditions spéciales de turbulence ou
de gradient du vent.
Mais il est bon de savoir que des centaines d'atterrissages sans visibilité
ont également été effectués par de très nombreux pilotes auxquels il a été fait
allusion plus haut, y compris dans des conditions sévères de turbulence, de
vent traversier ou arrière et que les bandes d'enregistrement ont prouvé que
l'on atteint à des résultats comparables aux meilleurs pilotes automatiques.
Bien qu'ils soient plus simples qu'un pilote automatique, ils ne sont pas non
plus à l'abri des pannes, mais les systèmes de sécurité étudiés par certains
constructeurs devraient permettre d'atteindre à une probabilité de pannes équivalente
à celle revendiquée par les meilleurs pilotes automatiques.
Nous pensons que cette solution permettra alors de contrôler réellement un pilote
automatique jusqu'au sol, puisque le pilote humain pourra à tout moment continuer
la manœuvre lui-même. Peut-être aussi préférera-t-il faire normalement la manœuvre
lui-même, ne serait-ce que pour garder son entraînement... mais ceci est une
autre histoire !
Il reste cependant un point de plus haute importance à rappeler, et nous l'avions
signalé au sujet des ILS, c'est la question de sécurité de l'aide au sol. On
ne voit pas très bien comment un pilote automatique pourrait utiliser deux sources
de guidage distinctes. Nous ne connaissons pas aujourd'hui de constructeurs
proposant un tel système. Par contre, les instruments à collimation offrent
très simplement cette possibilité à condition bien entendu que la seconde aide
existe, mais nous pensons qu'il sera indispensable d'avoir ces deux aides de
guidage distinctes avant de penser sérieusement à atterrir par visibilité nulle.
Les graphiques ci-dessus (à venir) représentent les enregistrements d'approches effectuées à Brétigny le même jour, successivement par le pilote automatique puis par un pilote humain utilisant le viseur expérimental CSF Type 191 dont le directeur de vol est alimenté par les informations ATT en provenance du calculateur Sud-Lear. On notera en particulier que les écarts localiser sont de la même qualité tout au long de l'approche pour le PA et pour le pilotage manuel au viseur (ces écarts sont de l'ordre de grandeur du " bruit " de l'ILS). On notera également que les écarts glide restent faibles et en outre que la courbe de l'approche manuelle est pratiquement superposable à celle de l'approche automatique de sorte que les petits écarts constatés sont probablement imputables au glide lui-même.
Les graphiques donnent de haut en bas :
1) Les valeurs d'assiette latérale.
2) La valeur de l'écart radio localiser mesuré en micro-ampères (pour mémoire
la déviation totale du graphique est de ±50 m A donc une graduation représente
environ 6 m A c'est-à-dire légèrement plus d'une largeur d'aiguille ID 48)
3) Les écarts de cap.
4) Les valeurs d'assiette longitudinale.
5) Les écarts radio glide.
6) Les altitudes radio-sonde (on notera ici l'excellent parallélisme des courbes
d'arrondi automatique et manuel).